Texte d’un auteur russe, inédit en France, vivant dans une province de Russie, au lectorat choisi et au talent incontestablement reconnu en Russie, mais quelque peu oublié par l’establishment médiatique littéraire. S’attachant à rétablir des valeurs trop négligées, cet ouvrage inhabituel dénonce l’absurdité cruelle des guerres qui déchirait encore récemment la Russie – guerres bien plus enracinées qu’il n’y paraît dans la réalité quotidienne.
Un homme parti au Caucase combattre comme mercenaire pour pouvoir nourrir sa famille rentre chez lui sain et sauf. Il rapporte en cachette le cadavre d’un camarade qui a succombé à ses blessures pour lui donner une sépulture sur sa terre natale. Un roman poignant qui pourrait s’intituler « Un Intello got his gun ».
descriptif du contenu
Russie, ville de province… Comment nourrir sa famille, quand on est un intello au chômage, et de surcroît jeune père ? En ville apparaît un type qui recrute des gars pour partir au Caucase, comme mercenaires. Ainsi débute pour le héros du roman une aventure rocambolesque autant que tragique, une plongée en apnée dans le chaos d’une guerre où l’ennemi est partout et nulle part, avec les sorties dans la montagne déserte, la caserne et le quotidien abracadabrant sans cesse improvisé du soldat de fortune, les civils qui vivent comme des zombies du système D.
Inutile de chercher à comprendre l’absurde continuel, la vie, la mort. Car la mort finit par frapper là où l’on avait fini par ne plus l’attendre : on tire un jour au loin sur on ne sait quoi ni qui, et brusquement le compagnon avec qui on a vécu tout ça tombe sous nos yeux, mortellement atteint. De retour à la caserne, on commence à saisir : un mercenaire, c’est un soldat acheté qui n’a droit à rien. Ni honneurs, ni cercueil, ni rapatriement, ni fleurs ni couronnes. Le voyage du retour ne se fera pas sans lui : notre héros remporte avec lui, roulée dans un tapis, la dépouille de son camarade. De retour chez lui, il la remet à sa famille qui l’enterre. La vie reprend comme avant. Rien n’a changé, au fond tout est pareil, l’argent manquera toujours, la routine reprendra. La vie comme la nature est pourtant la plus forte…
On ne sort pas indemne de la lecture de ce livre, qui nous atteint au plus profond en portant un regard froid et lucide sur la Russie d’aujourd’hui et en poursuivant la tradition de la grande littérature russe classique, qui soulève les questions essentielles de l’homme.
particularité
Cette œuvre rude et sans concession sur la vie vraie des Russes à l’ère post-soviétique paraît presque insolite dans le paysage de la production littéraire russe servie d’ordinaire au lecteur occidental. Une occasion de remettre quelques pendules à l’heure…
Une écriture brillante, précise, inattendue, d’une forte densité, une des meilleures en Russie actuellement… Ce court roman réaliste sur la guerre et ses absurdités provoque la sympathie par ses intonations et son regard distancié sur des événements crus et insoutenables. Sa vision du monde très actuelle et étonnamment européenne en surprendra plus d’un.
La première publication de Valéry Piskounov date de 1973, aux éditions RosIzdat, qui ont publié aussi certains de ses ouvrages fantastiques et poétiques, Hélios cherche la planète (1977), Surpasse le vide (1981), Ici, on a atterri (1987), les Pigeons dans la valise (1990).
Dans la revue littéraire Novyi Mir sont parus les romans Quelle âme souhaitez-vous exactement ? (1991), Volnomou volia (1994), paru en français, en 2008, aux Éditions Temps & Périodes, sous le titre Journal d’un Mercenaire. Dans la revue Znamia, les nouvelles Le Nombre de la Bête (1990), Mythes de la colline Bechtou (1997), En nourrissant le dragon (1996) et d’autres.
extrait
« … Quelques heures plus tard, les tirs provenant du paysage devinrent un feu nourri, fauchant. On entendit le bruit d’un moteur grippé. Nuque de Cuir nous indiqua comment nous retirer (par les arrières, toujours) et dit à Bessan de nous couvrir avec son lance-grenades. Vlad se rappelait mieux le chemin et ouvrait la route en courant. Dans un potager, où un homme prévoyant avait entassé du bois, Vlad trébucha. Stas s’empressa, se mit à quatre pattes et traîna Vlad à l’abri.
Quand je le retournai sur le dos, il ouvrit les yeux et sourit. Sa joue droite était arrachée jusqu’au menton. Vlad zézayait et passait sa langue ensanglantée sur les dents mises à nu.
Le côté opposé de la rue se trouvait en surplomb par rapport à nous, et là, sur le toit d’une maison, avait pris position un sniper. Stas leva au bout d’un bâton la casquette de Vlad, et le sniper la réduisit en charpie… »
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